DÉCLARATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL LORS DE LA RÉUNION A L’ÉLYSÉE DU 10 DÉCEMBRE 2018

Monsieur le Président de la République,

Messieurs les Présidents des assemblées

,Mesdames et messieurs les ministres,

Mesdames et messieurs,

Chers camarades,

La crise actuelle vient sans doute de loin et recouvre une dimension à la fois citoyenne, économique et sociale.

Je suis ici en tant que secrétaire général de la confédération générale du travail Force Ouvrière, porteur du mandat que m’ont confié les syndicats et de l’attente des adhérents ainsi que des salariés qui apportent leurs suffrages aux listes FO lors des élections professionnelles.

Tout en rappelant que « le mouvement syndical des travailleurs ne peut s’isoler dans la nation » et considérant « que le syndicalisme ne saurait être indifférent à la forme de l’État parce qu’il ne pourrait exister en dehors d’un régime démocratique », je m’exprimerai du point de vue des intérêts moraux et matériels, économiques et professionnels des salariés.

 FO a toujours dénoncé les violences, c’était le cas notamment lors des manifestations de 2016dirigées contre la loi Travail, c’était encore le cas le 9 octobre dernier, et ce fut le cas ces derniers jours. Nous n’avons jamais attendu ni invitation ni consignes.

 Mais il faut aussi s’interroger sur les conséquences de la non écoute des syndicats. Le 9 octobre,à l’appel de FO notamment, plus de 160000manifestants s’étaient mobilisés. « Une manifestation après d’autres et avant d’autres » : fut, semble-t-il, la seule considération qui lui fut apportée.

Cette crise et le mouvement dit des « gilets jaunes » sont peut-être un nouveau symptôme d’un sentiment d’échec ou de démission du politique face à la domination des contraintes économiques et à la financiarisation insolente de l’économie.

 Plus localement, ce mouvement exprime peut-être aussi la recherche de nouveaux liens sociaux face à la disparition de ce qui fait société: l’emploi, dans un contexte de désindustrialisation et de désertification des territoires, les services publics, les commerces et lieux d’échanges, dans les

centres-villes, les bourgs et villages ;  et l’éloignement des  lieux  de débats et de  décisions conséquence des réformes territoriales récentes.

A ce sujet, FO met en garde sur le recours à la numérisation. Autant le numérique est source de progrès, autant il ne peut se substituer au lien social au risque d’accroître la distanciation, l’isolement, l’anonymat et le sentiment d’abandon.

Le phénomène des réseaux sociaux sur le débat public doit interroger aussi sur ce que produirait une société du « tout numérique ».

FO appelle depuis longtemps à ce que cesse l’enchaînement sans fin des dites «réformes » de l’Etat et de la fonction publique, jamais évaluées, essentiellement guidées par la réduction de la dépense publique – terminologie qui devraient être bannie – pour lui substituer celle d’investissement de la nation pour l’égalité et la fraternité dont ont tant besoin nos concitoyens sur l’ensemble du territoire. Un débat doit s’engager sur les besoins aujourd’hui et sur les moyens et leur financement indispensable.

Le mouvement s’est déclenché autour du coût du transport et des taxes affectant les produits pétroliers. Il est, là, le symptôme des fins de mois difficiles et de l’incompréhension des politiques fiscales.

Nous avons été réunis au ministère du travail vendredi dernier.Nous le demandions d’urgence, il était temps, il faut faireen sorte qu’il ne soit pas trop tard.

L’attente est forte sur le pouvoir d’achat des salariés, du privé et du public, ainsi que des retraités. FO a appelé immédiatement à la généralisation de la prime transport.

La question du SMIC a été soulevée. Ici encore, comment comprendre que le gouvernement, par la

 voix du premier ministre, puis de la ministre du travail, ferme la porte à une augmentation au-delà de la revalorisation  réglementaire,  avant  même que  n’aient été consultés  les  interlocuteurs sociaux et alors même que l’information circulait quant à l’invitation du Président de la République à la rencontre ce matin ?

Nous l’avions pourtant dénoncé, nous avions alerté aussi : depuis trop longtemps le dialogue social et la négociation collective étaient au mieux vu comme une caution quand il n’était pas perçu comme  une  contrainte. A tel  point que le terme de  « concertation »  est  désormais connoté négativement.

FO maintient sa revendication d’une augmentation significative du SMIC et du point d’indice dans la Fonction publique.

La négociation collective de branche doit parallèlement retrouver sa place, et ouvrir très vite la perspective denégociations conduisant à l’augmentation des salaires.

Les salaires ne sont l’ennemi ni de l’économie et ni de l’emploi.

Bien sûr, cela demande d’agir au niveau européen – ce que nous faisons avec nos camarades des syndicats des pays de l’UE – afin d’en finir avec le dumping salarial, social et fiscal.

Les retraités ne doivent pas être laissés pour compte, alors qu’ils sont triplement pénalisés par la hausse de la CSG, de l’inflation et d’une insuffisante revalorisation des pensions.

Cela amène à poser aussi la question fiscale.

On ne peut pas nous expliquer que la suppression de l’ISF– qui redonne d’une certaine façon du pouvoir d’achat aux plus riches – avait pour but de soutenir le financement de l’économie – ce qui n’est pas démontré – et nous le refuser quand il s’agit d’augmenter les salaires.

FO conteste de longue date une fiscalité de plus en plus assise sur l’impôt indirect – les taxes – et sur une CSG proportionnelle et revendique une refondation de l’impôt progressif.

Monsieur le Président,vous-même avez rappelé récemment que le système de santé français demeurait considéré comme l’un des meilleurs,sinon le meilleur, au monde tout en étant moins coûteux, rapporté au PIB, que celui des États Unis par exemple, où la population est pourtant beaucoup moins couverte.

FO revendique la responsabilité qu’elle a prise dans la construction et la gestion paritaire du système de protection sociale collective français. La sécurité sociale, les systèmes de retraite, l’assurance chômage ont rempli leur office, malgré un contexte économique largement dégradé, dont ils ne sont en rien responsables. Nous demeurons attachés au financement appuyé sur le salaire différé et à la gestion fondée sur le paritarisme, et nous contestons les réformes qui ont été mises en œuvre depuis plusieurs années et telles que poursuivies.

Enfin il faut écouter et entendre les jeunes. Redonner espoir à la jeunesse, répondre en termes de logement, d’aide au transport pour les étudiants comme pour les jeunes en apprentissage ou salariés souvent précaires.

Enfin, je tiens à redire l’engagement de Force Ouvrière face à l’urgence climatique en faveur d’une transition juste, qui ne laisse pour compte ni ne pénalise les moins favorisés. Elle demande une politique volontariste,portée par des investissements massifs qui seront source également d’activité et d’emplois. Ce ne sera pas alors une dette que nous léguerons aux générations futures.

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