Pendant trois jours, du 4 au 7 novembre, plus d’un millier de délégués syndicaux venus à Sydney (Australie) de près d’une centaine de pays ont débattu pour renforcer les mouvements syndicaux et leurs actions à l’occasion du 4ème congrès d’industriALL Global Union, dont FO Métaux est membre fondatrice. Parmi eux, les secrétaires fédéraux Paul Ribeiro et Eric Keller, et une délégation FO composée de Yann Perotte (FO Chimie) et Jean-Marc Aillaud (FO Energie).
« Nous vivons une époque de changements rapides : les technologies émergentes, les droits démocratiques remis en question, les forces autoritaires qui remettent en cause la liberté ainsi que le changement climatique qui constitue une menace. » Lors de l’ouverture du congrès d’industriALL Global Union, qui vient de se tenir en Australie, Marie Nilsson, présidente de l’organisation et du syndicat suédois IF Metall, n’a pas brossé un tableau réjouissant de l’état du monde, considérant néanmoins que c’est dans la « force commune » des syndicalistes rassemblés que se trouvaient les clés pour organiser syndicalement les travailleurs et travailleuses partout dans le monde, défendre leurs droits et construire un avenir durable et juste pour tous.
C’est peu dire que l’Australie fait partie des pays réceptifs à ces messages, puisque le Premier ministre australien Anthony Albanese était présent et a montré qu’il était sur la même longueur d’onde que les organisations syndicales, dont il est un allié de longue date. « Nous savons que l’équité, les bonnes conditions de travail et les salaires équitables ne nuisent pas au marché du travail : la croissance et l’équité sont plus fortes ensemble, a-t-il déclaré, revendiquant un lien entre les valeurs de l’Australie et la lutte mondiale pour l’équité. Notre objectif est intemporel et c’est pourquoi la solidarité est véritablement éternelle. » La présidente du Conseil australien des syndicats, Michele O’Neil, a fait écho à ces positions en rappelant aux délégués qu’ « il n’y a qu’une seule réponse au capital organisé, c’est un monde du travail organisé ». Comme l’a résumé Paul Ribeiro : « le néolibéralisme détruit le travail et affaiblit la démocratie. » Les nombreux débats et échanges qui ont jalonnés le congrès l’ont cependant montré : tous les pays ne sont pas aussi avancés dans la prise en compte des justes revendications syndicales et la prise en compte des droits des salariés.
« S’organiser pour un avenir juste », le slogan sous le signe duquel étaient placés les travaux, n’en était que plus pertinent pour orienter les débats autour des stratégies visant à renforcer les syndicats, à lutter contre les inégalités, à responsabiliser le capital mondial et à faire en sorte que les transitions industrielles de l’avenir ne laissent personne sur le bord de la route. Chacun à leur façon, les délégués présents ont renouvelé leur détermination collective à transformer la solidarité en pouvoir et le pouvoir en changement.
Des syndicats plus forts
Après être revenu sur les événements syndicaux marquants de ce mandat et sur les réalisations de l’organisation (voir encadré), son secrétaire général, Atle Høie, a rappelé le grand principe qui soutenait et continuera de soutenir le Plan d’action d’industriALL Global Union : « seuls des syndicats forts, démocratiques et inclusifs peuvent obtenir justice pour les travailleurs et travailleuses » face aux inégalités qui constituent l’un des défis majeurs de notre époque. Pour le secrétaire général adjoint Kemal Özkan, elles « ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat prévisible de règles écrites par et pour ceux qui sont au sommet. [Elles] sapent la croissance, la cohésion sociale et la démocratie. » Seule solution : changer les règles afin que l’économie serve l’ensemble de la population et non une élite restreinte.
Les interventions à la tribune ont illustré toute la diversité des situations syndicales de par le monde, montrant comment les inégalités se manifestent sur les différents continents –qu’il s’agisse de la question salariale, de la précarité du travail, de la discrimination ou des conditions de travail dangereuses–. Kenya, Irak, Brésil, Inde, États-Unis, Irak, Indonésie, Pérou, Ghana, Afrique du Sud, Cambodge ou encore Maroc, sans oublier des pays où la guerre et la répression rendent leurs activités plus difficiles, comme le Myanmar, l’Ukraine ; les syndicats ont aussi détaillé comment ils ripostaient en vue d’un monde juste et durable.
Des actions coordonnées
Les sessions sur le Plan d’action ont évidemment mis l’accent sur un sujet cher à FO Métaux et indispensable pour renforcer le pouvoir des syndicats : « la syndicalisation, précise Paul Ribeiro, sans laquelle il n’est pas possible de peser et d’organiser le rapport de force sur lequel nous faisons reposer le compromis. » Plus qu’une stratégie, le renforcement du pouvoir syndical a été présenté comme une question de survie et la seule manière de façonner un avenir où les salariés seront au centre du monde du travail. Là aussi, des délégués du monde entier ont partagé leurs expériences, cette fois pour montrer comment ils y parvenaient, non sans difficultés. Les échanges sur le troisième pilier du Plan d’action, destiné à contrer le pouvoir croissant des multinationales, ont vu les congressistes insisté sur le fait que les syndicats le pouvoir d’amener les enseignes à la table des négociations, mais que le monde du travail devait être organisé à la même échelle mondiale que le capital pour le faire plus efficacement.
L’incontournable transition environnementale
Le changement climatique, l’automatisation et le passage aux énergies renouvelables constituent aujourd’hui les principaux facteurs de transformation des industries. Pour industriALL Global Union et ses affiliés, la seule façon, pour les salariés, de ne pas les subir est de participer à leur conception et leur mise en œuvre. Ici encore, les positions du congrès ont rejoint celles de notre organisation : l’industrie n’est pas l’ennemi du climat mais son meilleur allié pour une transition juste et responsable. Mais à la tribune, Paul Ribeiro a également voulu lancer une alerte : « la cause environnementale ne doit pas être instrumentalisée pour affaiblir les industries des pays démocratiques. Il serait paradoxal et hypocrite de, au nom de l’écologie, fermer des sites industriels exemplaires pour importer des produits fabriqués dans des conditions sociales et écologiques inacceptables. » La transition ne peut pas être un outil de concurrence déloyale, la justice climatique ne peut l’être que si elle est aussi sociale et industrielle. Le secrétaire fédéral a donc soutenue, au nom de notre organisation, l’appel d’industriALL à un nouveau contrat social mondial fondé sur la liberté syndicale, le salaire vital et la protection sociale universelle.
Le congrès s’est achevé sur l’adoption de plusieurs résolutions et le renouvellement des instances, qui a vu Christiane Benner, présidente d’IG Metall, devenir la nouvelle présidente d’IndustriALL. Atle Høie être réélu secrétaire général, tout comme les trois secrétaires généraux adjoints, Christina Olivier, Kemal Özkan et Kan Matsuzaki.
Un mandat d’actions
IndustriALL Global Union a « mené à bien son travail tout en accordant une attention croissante aux attaques de plus en plus nombreuses contre la démocratie et les droits fondamentaux, ainsi qu’au rôle essentiel des syndicats dans la défense de la paix et de la justice sociale », a fait valoir le secrétaire général de l’organisation lors de la présentation du rapport moral. Entre autres faits marquants, il a cité la convention collective juridiquement contraignante soutenue par toute la chaîne d’approvisionnement au Cambodge, l’entrée en vigueur de la Convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires, la lutte et la victoire des syndicats indonésiens contre la loi omnibus anti-ouvrière du pays, le renforcement des capacités syndicales dans le monde ainsi que l’augmentation de la participation des femmes (qui constituaient 43 % des participants à ce congrès, contre 28 % pour celui de 2016, au Brésil.
FO Métaux a pris part au Congrès IndustriALL à Sydney pour porter une voix claire : la transition écologique ne réussira ni contre l’industrie ni sans les salariés. Nous sommes venus rappeler une évidence trop souvent oubliée dans les cénacles lointains : les ouvriers, techniciens et ingénieurs ne sont pas le problème, ils sont la solution. À Sydney, nous avons réaffirmé notre attachement à une politique industrielle européenne qui conjugue souveraineté, innovation et justice sociale.
Sur le fond, notre message est simple. L’Union européenne s’impose des normes environnementales parmi les plus exigeantes au monde. Nous ne le contestons pas : c’est un choix de civilisation dont nous pouvons être fiers. Mais lorsque ces normes deviennent si écrasantes qu’elles étranglent nos sites, nos savoir-faire et nos emplois, tout en laissant entrer sur le marché des produits importés, souvent plus carbonés, la transition vire à l’absurde. On ferme des ateliers propres ici pour importer des biens fabriqués au charbon là-bas : écologiquement incohérent, socialement dévastateur, économiquement suicidaire.
À Sydney, FO Métaux a plaidé pour un vrai « level playing field ». Cela veut dire des règles identiques pour tous ceux qui vendent sur le marché européen, des contrôles effectifs aux frontières, une traçabilité crédible, et des mécanismes correcteurs qui tiennent compte de l’empreinte carbone réelle des produits importés. Cela veut dire aussi accompagner nos filières dans la durée : investissements, énergie à prix compétitif, commande publique orientée vers la production locale, formation et reconversion sécurisées par des droits. La transition doit d’abord être un projet de travail bien fait, pas un concours de vertu désindustrialisante.
Nous avons également rappelé que l’acceptabilité sociale n’est pas un slogan. Elle se construit par la négociation, l’anticipation et la protection des parcours professionnels. Les salariés savent faire évoluer les procédés, améliorer l’efficacité énergétique, inventer des solutions : encore faut-il qu’on leur en donne les moyens, qu’on cesse de les placer en concurrence déloyale avec des produits qui ne respectent ni nos normes ni nos exigences démocratiques. L’Europe ne sauvera pas le climat en externalisant ses émissions et en sacrifiant ses usines.
De Sydney, nous revenons déterminés et rassemblés avec nos partenaires internationaux : pour une transition qui réduise réellement les émissions, protège l’emploi industriel, et renforce la souveraineté productive du continent. L’avenir ne se délocalise pas ; il se construit, à l’atelier, au bureau d’études et dans la négociation.
À l’occasion de la Journée de la Filière automobile organisée le 4 novembre par la PFA, le vice-président de la Commission européenne, Stéphane Séjourné, a annoncé plusieurs orientations que FO Métaux appelait de ses vœux. Ces signaux marquent un tournant : la transition automobile ne peut réussir que si elle est socialement acceptable et industriellement réaliste.
Depuis plus de trois ans, FO Métaux alerte sur les risques d’une trajectoire énergétique dogmatique, qui fragiliserait nos usines françaises et menacerait des milliers de salariés. Les annonces européennes montrent que ces messages commencent à être entendus. L’assouplissement envisagé pour les véhicules utilitaires légers, en les décorrélant des objectifs de 2035, pourrait éviter des fermetures de sites sur des territoires déjà fragilisés. L’ouverture à une pluralité de solutions techniques telles que les carburants de synthèse, prolongateurs d’autonomie ou encore innovations hybrides, traduit enfin la reconnaissance du principe que la neutralité carbone ne passe pas obligatoirement par une seule technologie.
La volonté affichée de soutenir la production européenne, à travers un fonds de 1,8 milliard d’euros pour les batteries et une revue des règles de commande publique encourageant le « Made in Europe », va également dans le sens d’une souveraineté industrielle mieux assumée. FO Métaux note également positivement l’annonce d’un moratoire sur l’inflation normative et la mise en chantier d’un « omnibus » de simplification, une demande récurrente des industriels et des salariés face au poids croissant des contraintes administratives.
Pour autant, des zones d’ombre subsistent. Rien, à ce stade, ne permet de répondre à l’enjeu décisif du prix de l’électricité pour les sites industriels, enjeu de compétitivité majeur face à l’Asie et aux États-Unis.
La méthode de calcul du contenu européen devra être clarifiée pour que la préférence européenne produise réellement des emplois en Europe et ne devienne pas une simple déclaration de principe.
Les annonces attendues le 10 décembre devront s’accompagner d’engagements concrets et vérifiables.
FO Métaux continuera de rester vigilant à ce chaque euro d’argent public consacré à la transition serve le maintien et le développement des emplois industriels en France.
La Fédération rappelle ses attentes : un mécanisme de défense commerciale face aux importations asiatiques, un tarif électrique compétitif et garanti pour les sites de production, ainsi que l’association des organisations syndicales à la gouvernance de la filière.
La transition industrielle ne peut pas se faire sans les salariés ni contre eux.
Ces prises de position montrent qu’un dialogue exigeant mais constructif entre les acteurs sociaux, les industriels et les institutions européennes peut produire des avancées concrètes et cohérentes.
FO Métaux poursuivra son action pour que les engagements annoncés deviennent des décisions opérationnelles, au service de l’industrie française et de ses emplois.